Un ennemi externe pour occulter la faillite de sa politique

Partager

“L’honneur et la dignité des Egyptiens est celle de l’Egypte, laquelle n’acceptera jamais qu’on attente à sa dignité”, a-t-il souligné devant les députés égyptiens et d’ajouter, toujours avec le même ton en insistant sur le fait qu’il s’exprime avec des mots clairs que “la sécurité des ressortissants égyptiens dépend de l’Etat d’Egypte”. Cette tournure qu’a prise un match de foot entre les équipes des deux pays est le résultat d’une campagne de lynchage médiatique orchestrée par les médias égyptiens. Ainsi, les artistes, les intellectuels, les citoyens égyptiens ont franchi, ces derniers jours, la barrière fatidique en traitant l’Algérie de pays de terroristes, de 35 millions de chiens, de barbares…Tous ces commentaires ont été diffusés sur les chaînes de télévision du pays des pyramides. Moubarak, président égyptien depuis 30 ans, figure tristement parmi les chefs d’Etat les plus contestés au monde, appuie et soutient cette campagne qui vise l’Algérie. La situation que vit actuellement l’Egypte serait, le déclencheur de cette campagne de dénigrement. Si nous partions du constat de crise multidimensionnelle en Egypte, liée, essentiellement à une gestion catastrophique de la vie sociale, politique et économique du pays, nous seront tenté d’émettre plusieurs hypothèses quant au gain, en matière de paix sociale qu’attendait Moubarak et le sérail égyptien de l’accession de son équipe de football au Mondial 2010. Les mécanismes de paupérisation de la population égyptienne, notamment la population paysanne, car, « 44% de la population égyptienne vit avec moins de 2 dollars par jour », relève une députée européenne en mission en Egypte l’an dernier.  » Le taux de chômage se maintient autour de 9 à 10%, mais le sous-emploi et la précarité des emplois proposés sont constants », ajoute le rapport qui ajoute que, pour faire face à cette montée inquiétante de la misère et de la disette, « le gouvernement égyptien continue de subventionner les familles pour l’achat de pain (budget d’environ

1 milliard d’euros pour 67% de la population concernée».

Succession au pouvoir, une affaire dynastique ?

Moubarak, usé après trois décennies à la tête de l’Etat égyptien, prépare, malgré la farouche opposition de la société et les partis politiques d’opposition, à la transmission du pouvoir à son fils cadet, Gamal Moubarak. Pour ce faire, le pouvoir de Moubarak mijote plusieurs scénarios, mais il ne demeure pas moins que des obstacles majeurs peuvent surgir d’un moment à l’autre, même s’il pourra à la limite faire taire l’opposition. Il s’agit, au fait, de l’impopularité de son fils cadet, Gamal et la montée du mécontentement populaire, lequel, ni le pouvoir en place, ni l’opposition ne contrôle. A cela s’ajoute, la junte militaire, notamment les services de renseignements qui n’ont pas dit leur dernier mot. Vis-à-vis des Occidentaux, notamment les USA, un allié majeur de l’Egypte, une crainte de dérapage lors de la transmission du pouvoir n’est pas à écarter. C’est ce qui semble tenir en haleine le pouvoir de Moubarak, en l’absence d’un soutien des puissances occidentales, qui, ne veulent surtout pas être mêlées à une succession dynastique du pouvoir. En plus de tout cela, Gamal Moubarak n’est pas issu des rangs de l’Armée égyptienne, car depuis 1952, tous les présidents égyptiens étaient d’anciens militaires. Un sérieux handicap dont, les supporters de Moubarak doivent trouver une parade.

Etat d’urgence depuis 1981

Sur le plan des libertés collectives et individuelles, le pouvoir en Egypte maintient, contre vents et marées l’état d’urgence. La loi martiale confère, légalement aux autorités publiques le pouvoir de restreindre les libertés publiques. Ainsi, des arrestations pour des motifs d’atteinte à l’ordre public peuvent être opérés, limitation du droit à la défense des détenus, interdiction de réunion, de manifestations…sans oublier les associations soumises à un strict contrôle des activités, des sorties…

Selon des ONG activant dans ce domaine, la gestion et la culture policière « banalise le recours à la violence, voire à la torture dans les lieux d’interrogatoire et de détention », est intégrée dans les mœurs politiques au pays de Moubarak.

Malgré toutes ces restrictions aux libertés individuelles et collectives, la société égyptienne évolue dans le sens de revendications accrues. Ainsi, depuis plus de trois ans, l’Egypte vit au rythme des grèves à répétition, de manifestations et surtout, de grèves de la faim et d’émeutes. Ces mouvements de contestation qui visent en premier lieu, le pouvoir incarné par Moubarak sont la plus importante mobilisation citoyenne qu’a connu l’Egypte depuis plus d’un demi siècle.

L’Egypte et l’épine islamiste

A l’instar des autres pays arabes, les mouvements intégristes islamistes se présentent comme force politique d’opposition. Nonobstant cette posture, en Egypte, et ce depuis le Raïs Gamal Abdenasser, une tradition de séparation du pouvoir politique et religieux est toujours de mise, d’ailleurs, respecté par l’élite intellectuelle et artistique du pays. La montée fulgurante des Frères musulmans, principal réservoir idéologique aux autres mouvements intégristes des autres pays, dont l’Algérie bien entendu, se positionne comme porteur d’un nouveau projet de société, même si, la société égyptienne adhère, pour cause de tensions sociales, aux mouvements de grève, dénonçant la pauvreté et la paupérisation de pans entiers de la société, que les Frères musulmans éludent, faute de contrôle.

Pour le pouvoir en place, amadouer la nébuleuse des Frères musulmans est le meilleur gage pour une sérénité politique apparente.

L’Egypte et le poids régional

C’est depuis la normalisation des relations avec l’Etat sioniste que le rôle, pourtant primordial de l’Egypte sur le plan régional, ce qui implique une présence sur le plan géostratégie, que ce pays perd de son poids même s’il demeure le faiseur d’opinion dans le monde arabe. Le monopole de la Ligue arabe, les universités islamiques, qui ne manquent pas d’influence sur les mouvements intégristes dans le monde arabe. L’Egypte, pays le plus peuplé du Proche-orient est de fait, un allié incontournable pour les puissances mondiales. L’agression de Ghaza par l’armée du Tsahel entre décembre 2008 et janvier 2009, a montré les limites de la diplomatie égyptienne, qui tente, malgré tout, de garder un pied chez ses frères arabes du Proche-orient et un autre chez les USA, ce qui est de fait, une caution à l’Etat sioniste. Cet amalgame a fait que le rôle de l’Egypte, de médiateur à défaut de prise de position claire, est réduit à sa plus simple expression. Ses errements diplomatiques servent à l’opposition représentée par les Frères musulmans pour acculer un pouvoir, aux abois. La fermeture de «Maâbar Rafah» est l’expression d’un rejet des Palestiniens, estiment les autres pays arabes. C’est pour toutes ces raisons que Hosni Moubarak, à la tête de l’Etat depuis 30 ans, alimente et soutient la campagne médiatique et politique contre l’Algérie. Usant d’un autre opium des peuples, le football, afin d’occulter et d’apaiser toutes ces tensions, qui, dans le cas contraire, seraient un obstacle pour la retransmission du pouvoir à son fils, perdre de son aura lors des élections législatives de l’an prochain, et réveiller ainsi, les vieux démons et…les momies de «Oum Eddounia».

M. Mouloudj

Partager