Ruse de combat

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Cette histoire s’est passée, dit-on, à l’époque où les animaux avaient le don de la parole. Un hérisson et un sanglier décident un jour de s’associer et de planter des oignons dans un champ. Quand la récolte est mûre à point, le hérisson dit au sanglier :- Avant de procéder à la récolte, mettons-nous d’abord d’accord. Afin de ne pas nous quereller, je te propose de prendre ce qu’il y a sur terre ou ce qu’il y a sous terre, à toi de choisir.Attiré par les tiges vertes et crues, sans hésiter le sanglier lui dit :- Je prends ce qui dépasse de terre. Quand les oignons furent récoltés, le sanglier s’aperçut qu’il avait fait le mauvais choix. A lui, les feuilles et pour l’hérisson les bulbes charnus. Déçu, il se dit qu’on ne le reprendrait pas la prochaine fois.Non échaudé par cette première expérience, pour prendre sa revanche, le sanglier s’associe de nouveau avec le hérisson pour semer du blé.Quand la récolte est mûre à point, le sanglier dit à l’hérisson :- Tu m’as eu dans la récolte précédente, mais tu ne m’auras pas dans celle-ci. Cette fois, je ne prendrai pas ce qui dépasse de terre, mais ce qui est sous terre. Et, il en fut ainsi.La récolte achevée, l’hérisson prend les épis chargés de blé, tandis que le sanglier se contente des racines. Pour la deuxième fois, il se sent dupé et le dit à l’hérisson qui lui répond :- Tu n’as qu’à t’en prendre à toi-même mon ami, c’est toi qui a choisi !Son désir de vengeance non assouvi, le sanglier s’associe pour la troisième fois à l’hérisson pour cultiver des navets. Quand la récolte est mûre à point, le sanglier lui dit :- Cette fois-ci, on va partager sans malice, il n’y a lieu de prendre ni sur terre ni sous terre. Personne ne sera dupé ! – C’est entendu, dit l’hérisson, mais si tu m’écoutes, j’ai une autre proposition.- Laquelle ?- On va partager selon la force. Le plus fort d’entre nous aura pour lui tout seul, la récolte de la saison.- Jugeant par sa taille qu’il était le plus fort, le sanglier accepte ce qu’il croit être une revanche du sort.Ils décident d’un commun accord de se battre dans un combat singulier, et afin que nul ne puisse contester le résultat, des congénères sont sollicités à titre de témoins et le lion en tant que juge.Le jour du combat, les témoins et les badauds affluent de partout. Le juge-roi prend la parole et dit :- Le combat doit se passer à mains nues aucune arme ne sera tolérée, sous peine que le combattant qui en userait soit disqualifié et perde la récolte de l’année ! A bon entendeur, salut !Le combat se passe dans une clairière. Sûr de sa victoire, le sanglier frappe de ses sabots le sol et fonce sur le hérisson pour l’écraser, il esquisse l’assaut et se met en boule et roule devant son assaillant. Le bloquant avec ses pattes de devant, le sanglier plaque son grain contre lui, mal lui en prit, ses piquants le blesse, du sang gicle. Ensanglanté, le sanglier s’écrit à l’adresse des témoins et du juge : – L’hérisson m’a blessé avec en coutelas, enlevez-le lui, sinon j’abandonne la partie.Les témoins s’écrient en chœur :- L’hérisson n’a pas utilisé de contrebas. C’est de la fabulation. Continuez le combat !Le combat reprend de plus bel, en se servant du hérisson comme d’un ballon, le sanglier ne fait qu’aggraver ses blessures au museau. Bientôt, il est recouvert de sang partout.Voyant qu’il allait être battu, il s’écrit de nouveau : “le combat est déloyal, l’hérisson cache sous ses piquants un coutelas que vous ne voyez pas !Invités les témoins, lui répondent en chœur que cela n’et pas vrai !Pour justifier son incapacité à vaincre un adversaire plus petit que lui, le sanglier s’écrit encore : – J’abandonne la partie, puisque vous prenez parti pour l’hérisson qui utilise un coutelas que personne ne voit !Une fois tout danger écarté, l’hérisson se déroule et reprend sa forme initiale et déclare :- Si le sanglier n’en a pas assez, je suis disposé à continuer le combat. A vous de juger !- Ce n’est plus la peine, déclare le juge-roi, je te déclare vainqueur de ce combat. La récolte te revient de droit !

Benrejdal Lounès

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