Les Phéniciens à l’institut du monde arabe à Paris

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Navigateurs habiles, commerçants retors et inventeurs de l’alphabet, les Phéniciens, auxquels l’Institut du mownde arabe à Paris consacre une grande exposition, ont croisé pendant près d’un millénaire dans toutes les eaux de la Méditerranée mais restent finalement mystérieux. Pour mieux les faire connaître, l’Institut du monde arabe à Paris expose depuis mardi et jusqu’au 20 avril 2008, quelque 460 objets — de l’imposant sarcophage à la minuscule amulette — datés du XIIe siècle avant notre ère au IVe avant J-C. Les objets proviennent de quelque 70 établissements prêteurs dont le musée du Louvre, partenaire de l’exposition intitulée « La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage ». Marins expérimentés, les Phéniciens ont sillonné toutes les mers, à partir du Liban actuel dont ils sont originaires jusqu’aux comptoirs fondés sur les côtes espagnoles ou marocaines, en passant par Chypre, Malte, la Sardaigne, la Sicile ou Carthage. Mais « on a toujours du mal à les cerner », indique à la presse Elisabeth Fontan, commissaire de la première exposition consacrée à ce peuple depuis Les Phéniciens à Venise en 1988. Et d’abord, les Phéniciens eux-mêmes —héritiers des Cananéens — ne s’appelaient pas sous ce nom, explique-t-elle. Le terme vient du grec et signifie “rouge”, « une allusion à la pourpre, industrie phare de la Phénicie ou peut-être au hâle des marins », dit-elle. Eux-mêmes s’appelaient du nom de leur ville, Tyr, Sidon ou Byblos, cités indépendantes. Ils savaient tout faire, exporter le cèdre ou le blé de chez eux, aller chercher des matières premières dans les autres contrées, les transformer en objets de luxe – ivoires, verreries, coupes d’argent… – qu’ils vendaient ou échangeaient contre d’autres objets. Ils ont créé un « lien très fort entre les populations, par cette mobilité dans toute la Méditerranée, ce brassage d’idées, qui est très moderne », dit Mme Fontan. Quant à eux, ils empruntent « un peu à tout le monde, et le réadaptent », dit-elle. L’exposition montre ainsi des statuettes à l’allure totalement égyptienne, mais à inscription phénicienne, ou marquées de hiéroglyphes qui « ne veulent rien dire mais gravées parce que c’est joli ». Ils exportent aussi des motifs très orientaux, comme leur dieu combattant au bras levé, que l’on retrouve à Chypre, en Sardaigne ou en Espagne, leur déesse Astarté ou le dieu Milqart qui deviendra Hercule.

Le « Tophet », sanctuaire à ciel ouvert auquel un espace est consacré, est en revanche un mystère totalement phénicien. Des jarres contenant des restes de nouveau-nés ont été retrouvées dans ces zones sacrées, à Carthage et à Chypre notamment. Pour certains historiens, les Phéniciens étaient un peuple cruel qui sacrifiait aux dieux les premiers nés du couple. Pour d’autres, il s’agit simplement d’enfants mort-nés. L’exposition ne tranche pas. Les « Phéniciens ne sont connus que par des sources extérieures, la Bible, les textes assyriens, Homère », dit la conservatrice du Louvre, et n’ont laissé que « très peu de textes et aucun texte littéraire ». Ils ont pourtant, si ce n’est inventé, du moins « mis au point » l’alphabet, de 22 consonnes, qui pouvaient s’adapter à toutes les langues. Une salle évoque l’abbé Barthélemy, qui a déchiffré le phénicien en 1758, grâce à une double inscription en grec et phénicien.

R. C.

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