De la brigade à la liberté

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Cela fait de Méziane Belkacem un homme qui intrigue, voire même inquiète. Alors qu’on le pensait ramolli par le confort douillet de sa fonction de député, il met de nouveau les pieds dans le plat à l’occasion des élections locales. Dans la wilaya de Bgayet, ce sont quatre listes électorales qui ont repris le label « Fidélité » avec lequel il s’était fait élire député indépendant. La marque « Fidélité » est ainsi présente dans ses terres génitrices d’Amizour, à El-Kseur mais aussi à Chemini et Kendira. Tous ces candidats ont pour point commun d’avoir, à un moment ou un autre, été du combat de Méziane Belkacem contre l’alliance politico-financière RCD-Alexo. Mieux, il se fait le bon Samaritain des quelques initiatives extra-partisanes. Tout dernièrement, il a animé un meeting pour une liste de sans-parti à Tala Hamza. Il est annoncé, lundi, à Akbou où il va prodiguer son soutien à Abderahmane Benseba, candidat en rupture de ban avec le FFS. Il estime que des initiatives indépendantes pourrait jaillir d’un personnel politique nouveau en rupture avec les attitudes mortifères qui règnent dans les appareils partisans. « Les partis politiques se sont transformés en des espèces de brigades de gendarmerie où la réflexion autonome est bannie et où seule compte la soumission absolue aux ordres du chef », image-t-il.

Celui qui s’est affranchi du gendarme Sadi donne un exemple d’actualité de ce qu’il considère être une aliénation des pensées. A l’APN, il est le promoteur d’une proposition de loi visant à réintroduire l’importation des véhicules de moins de trois ans, une proposition qui séduit un groupe de députés FLN. « Il a suffit, dit-il, que Belkhadem dise à ses députés que la proposition revient à casser une ordonnance de Bouteflika pour que tous mes soutiens d’un jour rentrent mécaniquement dans les rangs ». Quelque part, c’est peut-être un nouveau parti politique qui est en train de se créer par l’activisme du député. Une création par la base, c’est-à-dire à l’envers de l’agencement caporaliste que les initiatives partisanes ont connu jusque-là. Méziane Belkacem s’en défend et parle prosaïquement de regrouper des « initiatives saines en vue d’aider au développement de la wilaya ». Tout un programme pour cet homme parti de loin.

Tel un grabataire qui retrouve brusquement disponible toute l’énergie de son être, il s’était élancé de toutes ses forces dans une entreprise politique éperdue. Il fallait d’aborder résisté à la propagande délétère du RCD, ne pas se laisser abattre par des coups de fils comminatoires, convaincre des soutiens ébranlés et, surtout, garder le cap sur des idées claires. Méziane Belkacem aura réussi tout cela et, mieux, porté le défi dans le jardin même de l’adversaire. Aux élections sénatoriales, il a faillit créer la surprise en mordant sur un grand pan du corps des élus locaux RCD. Aux législatives, il se fait élire haut la main dans un dénouement qui signe une terrible défaite morale et politique du parti de Sadi. Une éclatante prouesse de la part de cet ingénieur en électricité qui aura longtemps végété dans la fonction effacée de responsable du RCD pour la région d’Amizour. Comme quoi, un monstre sommeille dans la sérénité de chaque homme politique.

Au final Meziane Belkacem est un homme qui aura rentabilisé la grande vague d’indignation populaire suscitée par l’étalage médiatique des avatars de l’affaire Alexo. Du nom d’un projet industriel dont le promoteur, parce qu’appuyé par un généralissime de l’ombre ou un politicien notoirement affairiste, se croit tout permis, y compris ériger une usine en plein centre-ville d’Amizour sans permis de construire.

Socio-politiquement, Amizour ne sera plus jamais comme avant. Aujourd’hui encore, la ville est partagée entre pro et anti-Alexo comme – et ce n’est pas pousser le trait- la France, jadis, fut partagé entre Dreyfusards et antidreyfusards. Meziane Belkacem est bien sûr un dreyfusard de cette idée fragile qu’est l’Etat de droit que d’aucuns, parmi les plus puissants, veulent sacrifier sur l’autel d’un procès expéditif et définitif.

M. Bessa.

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