Sasha Waltz réussit son entrée à l’Opéra de Paris avec  »Roméo et Juliette »

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l La chorégraphe allemande Sasha Waltz a été bien accueillie vendredi soir pour ses débuts à l’Opéra de Paris, où elle signe une création à la fois abstraite et émouvante sur le Roméo et Juliette de Berlioz, sans ignorer la formation classique des danseurs de la compagnie.

L’Opéra Bastille accueillera jusqu’au 20 octobre neuf autres représentations de cette production pour laquelle la maison a mis les petits plats dans les grands en mobilisant son orchestre, ses choeurs, trois chanteurs solistes, autant d’étoiles et une vingtaine de danseurs du corps de ballet.

Un luxe extrême a aussi été apporté au choix du chef: en alternance avec l’Estonien Vello Pähn, c’est le Russe Valery Gergiev qui veille sur la fosse et souligne les couleurs, les contrastes et la théâtralité d’une « symphonie » qui porte ici fort bien son épithète de « dramatique ».

Figure de la danse contemporaine la plus aventureuse, ancienne codirectrice artistique de la moderniste Schaubühne de Berlin, Sasha Waltz, 44 ans, aurait pu vouloir jouer les créatrices tapageuses pour sa première invitation à écrire pour une grande compagnie de répertoire.

Mais elle a plutôt choisi de mettre en danse les amants de Vérone de manière intemporelle, apolitique, sur un mode abstrait et épuré teinté de néoromantisme, pour raconter une histoire simple d’amour et de mort.

Le spectacle doit beaucoup au décor, forme blanche sur plateau noir d’abord fermée et qui s’ouvre comme un coquillage. Elevé, le pan supérieur offre l’un des plus beaux moments de la soirée: le Roméo du danseur étoile Hervé Moreau tente en vain de l’escalader, court, s’accroche, glisse sur ce mur légèrement souillé de sang noir, en un long moment de solitude sans musique, oppressant.

Autre belle image, celle de la Juliette de l’étoile Aurélie Dupont sur ce lit de mort et de pierres, à même le sol, où vient la rejoindre son Roméo.

Leur sacrifice n’aura pas été vain: quand les surfaces du décor s’aplanissent, leurs deux familles (Capulet et Montaigu) se réunissent dans le deuil et la réconciliation, à l’invitation du Père Laurence de l’étoile Wilfried Romoli, doublé sur le plan sonore voire par le geste par la généreuse basse russe Mikhaïl Petrenko.-

Car Sasha Waltz ne se contente pas de planter chanteurs solistes et choristes dans son décor, elle les soumet à quelques mouvements, à l’image du ténor français Yann Beuron, par ailleurs un modèle de diction, ce que n’est pas tout à fait la mezzo russe Ekaterina Goubanova.

La chorégraphe berlinoise ne manque pas d’humour voire d’ironie quand il s’agit de commenter le bal et la fête par des silhouettes titubantes en tutu, aux mouvements anarchiques.

Mais ce qui devait être le « coeur battant » du spectacle déçoit un peu: dans la scène d’amour, Sasha Waltz déploie la danse-contact et l’exploration du sol qui font sa griffe, en même temps qu’elle utilise un matériau plus classique (portés notamment). Ce long pas de deux ne manque pas de sensualité mais de personnalité, comme si la chorégraphe avait été intimidée par l’enjeu.

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