Cette prise de conscience douloureuse me préoccupe et m’empêche de me concentrer sur mes objectifs.
Je suis une jeune athlète de 22 ans qui a tout sacrifié pour le sport. Mon seul souci a toujours été de rehausser l’image de mon pays sur la scène internationale. Armée d’un amour profondément authentique pour l’Algérie, doublé d’une passion de plus en plus grande pour le judo, j’ai travaillé avec un grand engagement. Je me suis surpassée, j’ai fait tout ce qu’il fallait faire avec la meilleure foi du monde avec des moyens, le plus souvent minimes, oubliant de penser à ma situation personnelle et abandonnant famille et amis.
Le remord d’être passée à côté de mes études me ronge quotidiennement. J’étais bonne élève et j’aurai pu décrocher le bac et suivre des études universitaires. Mais j’ai choisi de participer aux Championnats du monde d’Osaka (Japon), à l’heure où mes camarades de classe passaient leur bac.
Je me suis donc jetée corps et âme dans la compétition de haut niveau et grâce à Dieu, j’ai réalisé des résultats très satisfaisants : je suis même reconnue meilleure athlète à maintes reprises. Cela m’a enthousiasmé et m’a rempli de bonheur. Cependant, l’absence totale de perspective d’avenir me perturbe énormément et le faux espoir de voir mon problème pris en charge nourri par des nombreuses promesses non tenues, ne cesse d’user ma patience. Gagnée par le stress, j’ai peur de l’avenir. En effet, je ne vois rien venir, ni la possibilité de bénéficier d’une formation au sein d’un institut de sport pour obtenir un diplôme qui assurerait mon avenir professionnel, ni la chance d’une intégration dans le secteur de la jeunesse et des sports en qualité de fonctionnaire qui mettrait fin à mon statut de chômeuse de luxe temporaire. Rien de tout cela ne s’est concrétisé malgré toutes les tentatives de me rassurer. Comment voulez-vous que je puisse encore espérer un dénouement si mes responsables au niveau de la Fédération et du ministère ne sont pas arrivés à m’aider depuis maintenant deux longues années et ce, malgré leur bonne volonté et leur grande estime à mon égard. Mon angoisse quant à mon avenir se trouve amplifiée par l’incertitude de réussir une carrière dans le sport de compétition de haut niveau à cause d’un grand nombre d’insuffisances et de perturbations liées à ma préparation :
– Les bourses de préparations nettement insuffisantes et n’arrivant jamais au moment opportun. Cette année, par exemple, comme à l’accoutumée, nous sommes au mois d’octobre et je n’ai pas encore perçu ma bourse de préparation destinée à la saison 2006, alors que l’année sportive est terminée.
– D’un autre côté, notre entreprise nationale Sonatrach, qui engage annuellement des dizaines de milliards pour soutenir le sport national en général et les athlètes de haut niveau en particulier — ce qui l’honore beaucoup — n’a jamais daigné donner suite à mes nombreuses demandes de soutien à ma préparation. Pourquoi ce mépris ? Ne suis-je pas suffisamment algérienne pour mériter, au même titre que des centaines d’athlètes et associations ? C’est tout simplement aberrant du fait que je suis actuellement élue et reconnue meilleure athlète algérienne, arabe et africaine. Je ne comprends pas cette logique appliquée par Sonatrach qui est (comble de l’ironie), l’entreprise pour laquelle mon père a consacré 38 ans de sa vie en qualité de cadre supérieur !
Par ailleurs, le manque de considération m’a poursuivie jusque dans ma région natale à laquelle j’ai toujours été fidèle (je suis toujours signataire au club d’El Kseur, w. Béjaïa), malgré les différentes sollicitations de clubs plus dotés.
Monsieur le Ministre, j’avoue que je ne trouve même pas de mots pour qualifier l’humiliation que le wali de Béjaïa, de surcroît président du Fonds de wilaya du sport, m’a infligée lors d’une cérémonie organisée en mon honneur, en me gratifiant d’une modique somme de cinq millions de centimes (50 000,00 DA) en guise de récompense pour les résultats réalisés durant la saison 2005 :
– Médaille d’or au championnat d’Afrique individuel
– Médaille d’or à la Coupe d’Afrique des nations
– Médaille d’or aux Jeux méditerranéens
– Médaille de bronze au championnat du monde
– 3e place à la Coupe du monde des nations
Cela m’a complètement abattu et il m’a fallu du temps pour dominer ce sentiment de frustration et d’indignation liés à ce malheureux épisode. Dans ces conditions, y a-t-il possibilité de prétendre à la réussite ? Comment voulez-vous que je puisse espérer assurer une carrière digne sans une réelle prise en charge. Les objectifs de haut niveau exigent une préparation de haut niveau qui, à son tour, est subordonnée à des moyens de haut niveau.
Par conséquent, je me vois dans l’obligation de prendre mon avenir en main avant qu’il ne soit trop tard.
Aussi, j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière internationale pour reprendre mes études et repasser le bac. Toutefois, ma passion pour le judo étant très forte, je continuerai donc à faire de la compétition au niveau national seulement.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mon profond respect.
El Kseur, le 7/10/2006
Soraya Haddad
Palmarès
Nom : Haddad
Prénom : Soraya
Date et lieu de naissance : 30/09/1984 à El Kseur
Date d’intégration au sein de l’EN : 2002
Palmarès international
2001/2002 : 9e place aux championnats du monde jeunes, Corée
2001/2002 : 2e place aux championnats d’Afrique individuel juniors, Côte d’Ivoire
2001/2002 : 3e place aux championnats d’Afrique individuel juniors, Egypte
2002/2003 : 9e place aux championnats du monde, Japon
2002/2003 : 1re place aux Jeux africains, Nigéria
2002/2003 : 2e meilleure athlète de l’année
2003/2004 : 9e place Jeux Olympiques d’Athènes
2003/2004 : 1re place aux Jeux panarabes, Alger
2003/2004 : 3e meilleure athlète de l’année
2003/2004 : 1re place aux championnats d’Afrique individuel, Tunisie
2003/2004 : 1re place aux championnats d’Afrique par équipe, Tunisie
2004/2005 : 1re place aux championnats d’Afrique individuel, Afrique du Sud
2004/2005 : 1re place aux championnats d’Afrique par équipe, Afrique du Sud
2004/2005 : Meilleure athlète de l’année
2004/2005 : 1re place aux Jeux méditerranéens, Espagne
2004/2005 : 3e place aux championnats du monde, Egypte
2005/2006 : 1re place aux championnats d’Afrique par équipe, Île Maurice