C’est à l’occasion de l’exposition et du colloque international organisés en octobre 1985 par les archives de la ville de Marseille en souvenir de Jean Amrouche, que le livre “D’une Amitié” a vu le jour. Cette œuvre renfermant l’essentiel de la correspondance échangée entre Jean Amrouche et Jules Roy témoigne de l’amitié complexe qui liait les deux hommes que le drame — algérien — a bouleversé au plus profond d’eux-mêmes. Née durant l’année 1937, grâce au professeur et éditeur Armand Guibert, cette amitié va être l’occasion d’un échange de lettres qui ne prendra fin qu’à la mort de Jean Amrouche, document capital par sa spontanéité et sa vérité “D’une Amitié” nous permet de mieux connaître et saisir dans toute sa totalité Jean Amrouche. Quels étaient ses espoirs et ses désillusions ? Quels sont ses défauts et ses qualités ? Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à épouser les thèses du nationalisme algérien sans renier la France ? Autant de questions et bien d’autres que le livre éclaire sous un nouveau jour. S’il nous permet de mieux appréhender la personnalité de l’auteur de “Les chants berbères de Kabylie”, “D’une Amitié” nous reconstitue surtout les premiers pas et les premiers “plats” du sentiment nationaliste ; il nous donne à voir les incompréhensions et les déchirements causés aussi bien en Algérie qu’en France par la guerre qui éclate, il nous montre aussi qu’au-delà des conflits qui peuvent opposer deux pays, il existe toujours des liens d’amitié qui résistent à tout.Œuvre incontournable pour qui veut comprendre la position inconfortable des intellectuels des deux rives, “D’une Amitié” se lit comme un roman d’ouverture qui vous tient par le gosier pour le mener à bout. A peine a-t-on lu la première lettre de Jean adressée à son cher Jules, en date du 12 novembre 1938, où il lui écrit, moqueur “bien sûr je suis un salaud mais pas un salaud intégral” que l’envie de ne plus refermer ce livre nous prend. “D’une Amitié” est un livre absolument à lire ou à relire, surtout dans cette époque où l’on parle de réconciliation sans trop de conviction.
Boualem B.