Souriante, naturelle, décontractée et spontanée, Hassiba Abderraouf nous a accueillis chez elle avec une grande chaleur et une grande cordialité. Véritable figure emblématique des occasions familiales, mieux une icône de la chanson algéroise (assimi), elle fait le bonheur des familles algériennes par sa voix divine, douce et prenante. Nous étions bien ravis d’être accueilli chez elle et d’avoir passé avec elle quelques moments inoubliables, où elle nous a ouvert son cœur et nous a fait des confidences avec une grande simplicité et franchise. Fille de bonne souche » bent » Hussein Dey, cette belle brune, est élevée dans la pure tradition scrupuleusement respectée par une mère très conservatrice et des oncles qui ne badinent pas avec les principes, Sa mère, artiste elle aussi, était proche de la défunte cantatrice Fadila Dziria. Hassiba Akli, de son vrai nom, n’avait que quatorze ans quand elle a commencé à accompagner sa mère qui était aussi « msamia » dans les cérémonies de mariage qu’elle animait. Elle était une brillante élève à l’école, mais elle n’a pas achevé ses études. Mariée à l’âge de 17 ans, après avoir abandonné le lycée en classe de seconde, elle allait connaître un parcours tout en relief.
Avec la complicité d’une mère-artiste, ainsi que son frère musicien imitateur « Hadj El Anka ». Nonobstant l’aval d’un époux militaire il ne faut pas croire pour autant que les choses se sont passées d’une manière aussi simple, car il fallait tout de même affronter le machisme ambiant et toutes les autres pesanteurs sociales non moins hostiles à l’épanouissement au féminin. Mais cette véritable course d’obstacles, loin de décourager une aussi talentueuse chanteuse forgée dans le creuset des « Qaâdates », elle allait, bien au contraire la transcender. Même si souvent le destin a son petit mot à dire dans le parcours des êtres. En ce qu’il leur donne ce petit coup de pouce inattendu et salutaire qui les propulse sous les feux de la rampe. Avec cette artiste qui fait l’unanimité chez le grand public avec le genre musical algérois, il n’est nul besoin de se poser des questions, tout s’enclenche seul et vite, et sans fard.
Une journée avant notre visite, Hassiba Akli, dite Abderraouf, venait de clôturer son agenda rempli de rendez-vous d’animation des fêtes familiales (mariages, fiançailles…), qui ont débuté depuis le mois de mai dernier jusqu’au 7 du mois en cours, la date de sa dernière prestation. Elle est chez elle pour se relaxer et consacrer quelques moments pour ses enfants qui commencent à s’accoutumer à son absence, Hassiba ne se plaint pas, bien au contraire elle veut rattraper les 28 ans qu’elle a passés dans l’ombre, tout en priant Dieu de lui accorder la santé pour pouvoir continuer sa tâche dans le métier de chanteuse qui lui tient à cœur depuis son jeune âge. Cette jeunesse qui lui revient à l’esprit, et qu’elle dévoile avec une grande émotion. Elle fait un flash-back des journées où elle accompagnait sa mère qui chantait « le style algérois » dont elle est aussi éprise. Hassiba fait un grand succès avec les reprises de Fadela Dziria et qui dit « je m’investis de tout coeur dans la chanson que je présente ». Elle nous révèle que durant la période de sa scolarité les professeurs la priaient d’interpréter les chansons, vu sa belle et douce voix tout en l’encourageant à faire une carrière artistique. Elle jouait du piano quand elle accompagnait sa mère dans les cérémonies, dont Mustapha Skandrani qui était un ami à son père lui avait appris les secrets, elle prenait aussi des cours de solfège au conservatoire. Fière d’avoir le grand artiste Skandrani comme maître, elle avait de la chance d’être entourée d’artistes qui l’encourageaient pour persévérer dans ce domaine artistique qui était limité dans l’animation des cérémonies familiales. Hassiba Abderraouf n’a pas eu la chance de participer à la célèbre émission « Alhan oua chabab » des années 70, qui était une « passerelle » pour les jeunes talents pour faire découvrir leur don et pour se lancer dans ce domaine artistique. À cette époque chanter était encore tabou, surtout s’il s’agissait des filles !
Cela n’a jamais empêché Hassiba de persévérer et de continuer son chemin artistique, même si il n’était pas divulgué, car il se limitait aux fêtes familiales. Elle nous fait part, qu’un jour le pionnier de l’écriture des textes de la chanson chaâbi, El Badji, lui a dit « tu iras loin avec une telle voix », puis Skandrani qui a confirmé cela durant la période où il l’avait comme élève, ensuite cheikh Namouss qui était aussi un ami à son père.
Bien qu’elle regrette d’avoir perdu autant de temps pour se faire découvrir par le grand public elle connut un triomphe avec la sortie de deux albums « spécial fêtes », et a réalisé son rêve. Une année après la première réussite, en 2006, elle lance deux albums, qui ont confirmé sa présence sur la scène musicale, précisément dans le style hawzi, algérois (assimi).
Par ailleurs, l’artiste ne manque jamais de reconnaître l’aide portée par des animateurs de la radio tels que Nabila qui lui a ouvert les portes pour permettre au grand public de découvrir l’interprète de Fadila Dziria, ainsi que Toufik lors de son passage à son émission « Hit fen », « ces deux animateurs, je ne saurais jamais les remercier, pour ce qu’ils ont fait pour moi », a-t-elle déclaré.
Pour ce qui est de son élégance, l’artiste nous révèle « je donne une grande importance à ce que je porte, lors de mon animation des cérémonie familiales. Entre autres, je fais très attention à mon comportement. Bien sûr je dois cela à ma mère qui m’a appris à faire très attention à ma conduite : par exemple je ne quitte jamais la scène même durant la pause, pour qu’on ne dise pas qu’elle s’est levée pour griller une cigarette. Je ne fume pas et je n’ai jamais fumé. Je tiens ma place jusqu’à la fin de la cérémonie, et cela pour ne pas laisser les assistants avoir de fausses impressions », a-t-elle déclaré, tout en ajoutant que « si la scène m’est dorénavant acquise, je reste persuadée que l’artiste demeure vulnérable aux yeux de son public, qui le fait ou le défait ».
Au sujet des reprises des chansons, Hassiba riposte que cela est un hommage et honore les grands chanteurs, et fait plaisir à l’artiste qui les interprète. Mais ce qui est important à savoir, c’est qu’il faut « l’art et la manière » pour cela.
« Moi j’ai repris quelques titres de la défunte Fadéla Dziria. Pour moi, elle est une grande cantatrice qui a su porter très haut le patrimoine algérien, notamment, de la musique hawzi et de l’algérois. J’ai toujours été fascinée par son chant qui m’a accompagné durant mon enfance et mon adolescence. Tout ce qui m’importe, c’est de restituer le nom de cette illustre chanteuse. Car tout ceux qui me connaissent, disent que j’ai la voix pour cela, et que je dois continuer sur cette lancée ». « Une fois, lors de mon passage à l’émission » Télé Matin sur Canal Algérie, l’animatrice m’a demandée de lui chanter un morceau » istikhbar « , que j’ai fait, juste après la fin de l’émission, j’ai reçu un appel venant du directeur de l’hôtel « Sheraton « qui m a demandé d’animer les soirées ramadhanesques de cet hôtel durant tout le mois sacré et j’ai accepté. Moi je suis sûre que les personnes qui viennent pour assister aux cérémonies que j’anime, ne viennent pas seulement pour danser, mais aussi pour apprécier « el qaâdates » du bon vieux temps ».
Hassiba Abderraouf donne une grande importance aux principes, elle dit : « je ne suis pas n’importe quelle femme. je me respecte trop pour donner n’importe quoi, et c’est, cela qui m’apporte le respect de mon public et de mes fans que je découvre de jour en jour. je tiens à préserver ma réputation ».
Elle est mère de quatre enfants, l’aîné Abderraouf a 23 ans et elle lui a empruntéson nom d’artiste, Amina a 19 ans, Feriel 15 ans et Mehdi 13.
Hassiba retient à peine ses larmes au souvenir de sa mère qui est morte, depuis neuf ans, des suites d’un cancer, puis le décès de sa sœur la même maladie. A peine 20 jours après la disparition de cette dernière, elle passe à l’émission « Saraha Raha » de la télévision algérienne. « Lorsque vous m’avez vu est-ce que je paraissais être une personne qui venait de perdre un être cher ? Ma sœur, que j’ai soutenue et prise en charge jusqu’à sa mort. Je suis une personne qui a la foi, très courageuse, et tolérante ». Après le décès de son frère aussi, elle a trouvé la consolation auprés de son deuxième frère Mohamed et ses deux sœurs Nora et Nesrine. Cela n’a jamais été un handicap pour cette artiste pleine de vivacité, de talent, d’amour pour son métier et de persévérance.
Par ailleurs, et pour ce qui est de son nouvel album, il contient (des reprises en kabyle de l’hadja Cherifa), des chansons dans le style algérois, rumba avec une reprise du défunt El Hachemi Guerrouabi Abaden omri man tlafat ouraya qui était fini au mois de mai dernier, n’a pu voir le jour, lors de sa sortie une face ayant été effacée de l’ordinateur (la face kabyle), heureusement qu’elle a pu récupérer la face algéroise qu’elle a mis à la disposition de son public sur les ondes de la radio.
Kafia Aït Allouache